Politique Société
« Climat : dernier avertissement» de Mark LYNAS, Éditions Au Diable vauvert
Publié le 7 juillet 2022
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« De nos jours, nous rejetons dix milliards de tonnes de carbone par an dans l’atmosphère, ce qui rend nos émissions actuelles au moins dix fois plus rapides que celles qui ont déclenché le pire phénomène de serre des 60 derniers millions d’années. » (p. 346)
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Deux mois avant la publication du dernier rapport du Giec le 4 avril 2022, les éditions Au Diable Vauvert traduisaient l’ouvrage de Mark Lynas sorti en 2020 aux États-Unis. Référence de l’investigation écologique ayant déjà réalisé plusieurs travaux sur le dérèglement climatique et ses conséquences, l’auteur tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Il nous présente ainsi les incidences du réchauffement climatique degré par degré, tout en démontrant les interactions entre toutes les composantes de la nature. Consternant, attristant et enrageant, c’est un ouvrage poignant qui fait appel aux émotions. Un essai aussi dur que nécessaire pour comprendre et agir en faveur de ce qui peut encore être sauvé. Comme le dit si bien l’auteur, 1,5 °C vaut mieux que 2 °C et chaque hausse de degré empêchée est une victoire à ne pas minorer.
Dès 1 °C, le constat s’avère effarant et pourtant, nous sommes d’ores et déjà à + 1,2 °C aujourd’hui. Ces dernières années, il a plu au pôle nord et en Antarctique. Aucun rapport antérieur ne fait mention de précipitations à cet endroit. La fonte des glaces entraîne une boucle de rétroaction positive qui accentue la catastrophe, car l’albédo renvoie les rayons solaires, tandis que l’eau les absorbe. La température de la surface terrestre augmente et les conséquences sont désastreuses : les forêts de Russie brûlent, entraînant la fonte du pergélisol qui laisse échapper du carbone, mais l’Australie aussi a été ravagée par les feux, causant le trépas de milliards d’êtres vivants. Les impacts sur la biodiversité se voient également au sein des océans où la grande barrière de corail blanchit. C’est un « deuil écologique » auquel nous devons nous attendre, car il a déjà commencé.
À 2 °C, la fonte de l’Antarctique et du Groenland — ainsi que la dilatation thermique de l’eau conduisant à une augmentation du volume des océans — constitue une menace pour de nombreuses mégapoles, dont New York, Shanghai, Shenzhen, du fait de la montée des eaux. On risque d’assister à de multiples déplacements de populations, se soldant potentiellement par des conflits entre populations. Évidemment, les individus les plus pauvres s’en trouveront affectés en premier ; cette énième injustice est insoutenable. Une augmentation de la température de 2 °C favorisera la pullulation de moustiques et donc la dissémination de maladie, à l’instar de la dengue. La destruction des céréales conduira à des famines terribles, notamment en Afrique où des épisodes de sécheresse inouïs séviront. Les villes connaîtront de véritables hécatombes du fait des chaleurs invivables. Les inondations seront de plus en plus meurtrières et la violence des cyclones s’intensifiera ainsi que leur onde de tempête. En ce qui concerne la biodiversité, on assistera à une perte considérable en Amazonie, où la forêt joue pourtant un rôle primordial dans le stockage du carbone. De même, le fleuve Amazone qui fournit 15 % de l’eau douce des océans verra son débit s’atténuer drastiquement. L’acidification des mers détruira entièrement les récifs coralliens. La diminution du krill aura de fâcheuses conséquences sur la chaîne alimentaire et les écosystèmes de mangroves seront menacés d’extinction.
Un degré supplémentaire, et nous retournons au climat du Pliocène. La montée du niveau des océans constituera un danger pour des millions voire des milliards d’individus. L’augmentation de la chaleur, notamment la nuit, accentuera la demande en climatisation et posera donc un problème énergétique considérable. Les méga-sécheresses aboutiront à l’aridification de nombreux territoires, ainsi qu’à la fonte totale des glaciers, entraînant des inondations extrêmes tandis que l’eau viendra à manquer à l’échelle globale. Le dérèglement climatique s’avérera trop rapide pour que les espèces s’habituent. Penaude, l’humanité assistera à l’effondrement écologique de l’Amazonie, de l’Arctique et des récifs coralliens. Ce futur n’est pas une fatalité, et si nous souhaitons éviter ce drame pluriel, la réduction de nos émissions de combustibles fossiles devra se réaliser sans ménagement.
Au-delà de 3 °C, ¾ de la population mondiale s’exposera à des chaleurs mortelles au moins 20 jours par an. Combinant la température et le taux d’humidité dans l’air, la « température humide » est notée Tw. À 35 °C Tw, le seuil létal pour les humains est atteint, car nous ne parvenons plus à opérer une thermorégulation. Des vagues de décès poseront d’énormes problèmes sanitaires et certaines régions du monde deviendront invivables, à l’instar de l’Inde, de la Chine, du Pakistan et du Moyen-Orient ; 2 milliards de personnes seront déplacées. Des tempêtes de poussière occasionneront toujours plus de victimes, de même que les méga-incendies qui provoqueront la mort par inhalation de fumée. Des orages supercellulaires — orages très intenses associés à des phénomènes violents comme des tornades ou de la grêle — frapperont plusieurs mégapoles. L’échelle de Saffir-Simpson ne parviendra plus à chiffrer la puissance des cyclones qui seront si violents que les scientifiques peinent aujourd’hui à se les représenter. On assistera à une perte de 80 % des récoltes de blé et l’auteur ne croît pas à une migration de ces cultures vers la ceinture boréale. Les températures atteindront celles de l’Oligocène et du Miocène, et provoqueront la disparition d’1/6e des espèces, ainsi qu’un déplacement des biomes. L’anéantissement de l’Antarctique occidental sera irréversible et le tic-tac de la bombe à carbone de l’Arctique se fera entendre. 1,5 billion de tonnes de carbone enfouies dans le sol du Grand Nord seront libérées, soit 3 fois plus que la quantité émise par l’Homme depuis le début de la Révolution industrielle. Nous ne pourrons plus faire machine arrière.
À 5 °C, la Terre présentera un bien triste visage où les continents seront déserts et les océans stagnants. À l’exception de microbes et de bactéries, les zones planétaires seront stérilisées par le choc thermique. L’humanité vivra sous des dômes énergivores, fonctionnant au nucléaire. Sans ces dômes, les humains mourront, à l’exception de ceux qui subsisteront dans des îlots privilégiés, tels que l’Antarctique, le sud de l’Alaska, ou encore l’épine dorsale de Nouvelle-Guinée. L’Europe occidentale deviendra un vaste désert, soumis à de fortes inondations du fait de cyclones colossaux. La fonte des inlandsis de l’Antarctique et du Groenland entraînera une montée des eaux de trois mètres. Ce climat de super-serre représente un événement « hyperthermique » nommé « Maximum thermique du passage Paléocène-Eocène » que notre globe a connu par le passé. Au cours de ce PETM, la température des océans approchait des 40 °C, coïncidant à une anoxie générale.
À 6 °C, la seule comparaison possible est le passage du Permien au Trias, il y a 251 millions d’années au cours duquel le magma a cessé de se répandre pour glisser sous terre où il a rencontré des couches de carbone sédimentaires. La calcination des combustibles fossiles a abouti à une catastrophe inouïe qui s’est déroulée sur le temps long, accélérée par l’impact d’une météorite à l’origine d’une célèbre extinction de masse. La biosphère s’en est trouvée arrosée par des pluies d’acides sulfuriques. Or aujourd’hui, l’ignition des combustibles fossiles au nom d’une économie écocide s’avère dix fois plus rapide. Peut-être que l’Homme sera le lystrosaurus de notre époque et survivra à cette extinction de masse, mais ne nous réjouissons pas trop vite. À 6 °C, l’hypothèse de voir la Terre se transmuter en Vénus — sa jumelle maléfique — est possible, sonnant le glas de toute forme de vie connue.
En dépit de ce programme peu reluisant, Lynas croit au salut de notre monde et en appelle à notre intelligence collective. S’il condamne la montée de l’extrême droite dans plusieurs pays qui s’oppose à l’action climatique en menant des politiques « protofascistes », l’auteur s’en prend également au capitalisme thermo-industriel, monstruosité créée par nos sociétés occidentales. Ainsi, pour limiter le dérèglement climatique à 1,5 °C, Lynas préconise l’annulation des projets de centrales électriques et la cessation de la vente de véhicules à moteur thermique. Il en appelle aussi à la mise à l’arrêt des centrales à charbon et la fermeture des industries lourdes. Si nous continuons ainsi, il y a de fortes chances que nous atteignons la barre fatidique des 1,5 °C en 2035 et 2 °C en 2055. Si la machine est lancée, nous ne pourrons plus l’enrayer. Dernier avertissement.
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